Précisions concernant la « suspension » des loyers commerciaux pendant la crise sanitaire annoncée par le Gouvernement
Dans son allocution télévisée du 16 mars 2020, le Président de la République a annoncé la suspension des factures d’eau, de gaz ou d’électricité ainsi que les loyers pour les PME.
Par la suite, le Gouvernement a publié, le 25 mars 2020, l’ordonnance « relative au paiement des loyers, des factures d’eau, de gaz et d’électricité afférents aux locaux professionnels des entreprises dont l’activité est affectée par la propagation de l’épidémie de Covid-19 » afin de mettre en œuvre les décisions annoncées par le Président de la République.
1. En réalité à la lecture de ce texte et notamment de son article 4, il convient de préciser aux professionnels qu’il ne s’agit que d’une possibilité, sous certaines conditions, de différer le paiement des loyers, et non d’un véritable droit à suspendre le paiement des loyers.
[Article 4 de l’ordonnance susvisée :
« Les personnes mentionnées à l’article 1er ne peuvent encourir de pénalités financières ou intérêts de retard, de dommages-intérêts, d’astreinte, d’exécution de clause résolutoire, de clause pénale ou de toute clause prévoyant une déchéance, ou d’activation des garanties ou cautions, en raison du défaut de paiement de loyers ou de charges locatives afférents à leurs locaux professionnels et commerciaux, nonobstant toute stipulation contractuelle et les dispositions des articles L. 622-14 et L. 641-12 du code de commerce.
Les dispositions ci-dessus s’appliquent aux loyers et charges locatives dont l’échéance de paiement intervient entre le 12 mars 2020 et l’expiration d’un délai de deux mois après la date de cessation de l’état d’urgence sanitaire déclaré par l’article 4 de la loi du 23 mars 2020 précitée » ].
Ainsi, l’obligation de régler le loyer demeure, ce sont uniquement les effets de la non-exécution de cette obligation qui sont suspendus, l’ordonnance du 25 mars 2020 n’autorisant pas le locataire à ne pas payer son loyer, mais interdisant uniquement au bailleur de réclamer au locataire des intérêts de retard ou d’engager une procédure en résiliation de bail et d’expulsion pour non-paiement des loyers.
2. En outre et surtout, il convient de préciser aux professionnels que pour bénéficier du dispositif en vigueur il convient de remplir un certain nombre de conditions cumulatives.
En effet, le locataire professionnel qui entend bénéficier de la mesure, doit être éligible au fonds de solidarité, et donc remplir les conditions énumérées par le décret n° 2020-371 du 30 mars 2020 relatif au fonds de solidarité modifié par le décret n° 2020-394 du 2 avril 2020, à savoir :
- « avoir débuté son activité avant le 1er février 2020,
- ne pas avoir déposé de déclaration de cessation de paiement au 1er mars 2020
- avoir moins de 10 salariés,
- réaliser un CA inférieur à 1 million d’ euros, ainsi qu’un bénéfice imposable inférieur à 60 000 € au dernier exercice clos,
- La personne morale ne doit pas avoir un dirigeant salarié avec un contrat de travail à temps complet ou bénéficiant d’indemnités de sécurité sociale supérieures à 800 €,
- La structure ne doit pas être contrôlée par une société commerciale, ni contrôler elle-même une structure qui dépasserait les seuils ci-dessus,
- Faire l’objet d’ « une interdiction d’accueil du public » ou connaître « une perte de chiffre d’affaires de plus de 50% entre le 1er mars 2020 et le 31 mars 2020 » comparée à celui compris entre le 1er mars 2019 et le 31 mars 2019.
Il convient de préciser également que le dispositif ne s’applique qu’aux loyers et charges locatives dont l’échéance de paiement intervient entre le 12 mars 2020 et l’expiration d’un délai de deux mois après la date de cessation de l’état d’urgence sanitaire.
Ne sont donc pas concernés les loyers échus impayés avant le 12 mars 2020.
Concrètement, les effets du non-paiement des loyers sont donc suspendus à compter du 2ème trimestre 2020 (que le loyer soit à terme échu ou à échoir) jusqu’à « l’expiration d’un délai de deux mois après la date de cessation de l’état d’urgence sanitaire. »
3. Il est vivement conseillé au locataire professionnel d’informer son bailleur qu’il rencontre des difficultés pour régler son loyer en lien avec l’épidémie et justifier qu’il a déposé une demande pour bénéficier du fonds de soutien, et tenter de convenir avec le bailleur d’un échelonnement de la dette locative à la fin de l’état d’urgence sanitaire.
En tout état de cause, le locataire devra payer ses arriérés de loyer à la fin de l’épidémie.
Pour des questions supplémentaires vous pouvez contacter Maître Céline TAIEB (celine.taieb@bjlanjia.com)
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